Aujourd’hui c’est mon troisième jour d’affilé sur le TET. Je ne le sais pas encore mais ça va être une journée de débile ! Mais commençons par le commencement :
La nuit fût correcte : fraîche juste ce qu’il faut, encore en deux phases de sommeil mais je sens que je commence à me réhabituer à dormir en tente sur un matelas dont les épaules et le ventre dépassent (il a du rétrécir depuis l’Islande). Une bonne journée commence par une bonne douche quand ça caille comme ça le matin, ensuite le petit déjeuner. Comme l’ami cyclotouriste je me décale pour avoir un peu de lumière du soleil. Je dois dire que la « vue » et le petit déj sont au top !
Avant de tout commencer à ranger, je vais discuter avec mon voisin (oui nous ne nous sommes pas donnés nos prénoms). Ce mec est assez fou : à priori il travaille en Allemagne, il est prof et a profité des vacances scolaires pour prendre le train à Strasbourg direction Montpellier. Et il remonte depuis cette ville vers le nord à vélo comme ça. Il a donc été à Montélimar, là il vise le Puy en Velay pour ensuite revenir vers la vallée du Rhône et point de mire Grenoble pour reprendre le train … Tout ça a la force des mollets ! Ben je préfère mon moteur, même si ça n’engage que moi. Il me dit aussi que c’est une sorte d’entrainement pour l’Islande et note l’adresse du blog pour choper des infos sur ce voyage.
Toute cette discussion me retarde un peu mais laisse le temps à ma serviette de sécher, j’apprécierai ce soir. Je visais un départ pour 9h30 ce qui était largement jouable vue l’heure du réveil, mais finalement je pars à 10h. J’ai gagné plus d’une demi heure par rapport à la veille ! « Champion ! » Au niveau équipement, malgré la fraîcheur ambiante, j’opte pour du léger. Je me dis que je vais vite me réchauffer dans le tout terrain, sauf que c’était oublier la superbe liaison routière que j’avais pour rejoindre le TET. Et à 80 km/h « hors taxes » sur route, il fait plus frais qu’à 20-30 km/h dans les chemins.
Pour information, je choisi de ne pas revenir au Soubrey mais de reprendre le tracé du TET plus à l’ouest du côté de Coucouron. Et franchement je ne sais pas comment était le TET sur la partie que j’ai shunté mais la route, elle, valait son pesant de cacahuète.
Ça y est, je suis de retour sur les pistes : à moi les grandes pistes roulantes pour claquer des pointes de vitesse à au moins … 40 km/h ! C’est agréable de rouler sans personne sur le chemin en étant un peu loin de tout. C’était un peu le but quand j’ai pris la meule il y a deux jours pour me lancer sur le TET que je pensais juste hors de portée pour un gugusse comme moi. Mais je ne regrette pas, ça permet vraiment de se ressourcer tout en vivant ma passion pour la moto.
Et puis la végétation change, on passe de sombres forêts de sapins assez denses à des forêts d’éoliennes ! En vrai les odeurs changent aussi avec une odeur de pin beaucoup plus présente et indissociable des vacances dans mon inconscient.
Je prend le temps de me poser deux secondes pour apprécier le paysage et surtout apprécier pleinement mon « Aventure ». Y a pas : je crois que depuis l’Islande ça me manquait un peu. J’ai vécu plein de choses différentes depuis : roadtrip en couple, avec des potes et/ou de la famille … même si je n’écrivais plus sur le blog (deux années complètes !) je roulais quand même et c’était génial aussi. Mais c’était différent, je ne partais plus seul, loin de tout à l’Aventure. Mais bon on est pas là pour une psychanalyse, ce qu’il faut retenir c’est que je savoure pleinement l’instant présent et ça c’est cool !
La trace fini par me faire débouler en haut du col du pendu. J’ai encore le souvenir du convoi de panzer GS atomisés en SMT du temps de la Gourle Team. Les mecs avaient du retourner pleurer auprès de leur concessionnaire parce que leur « meilleure moto du monde qui sait tout faire » c’était faite pliée par des allumés du bulbe ha ha. « Ahem je m’égare. » Col du pendu donc et ensuite j’arrive (en GS, on appréciera l’ironie ) au magnifique col de la Croix de Bauzon. Pareil, pour limer du cale-pied on est plutôt sur un bon spot !
Sauf que je suis pas en supermot et que je fais le TET, pas la tournée des cols. Donc pour moi c’est chemins et pas de la belle route au revêtement tout propre. Mais je ne vais pas me plaindre parce que c’est ce que j’ai choisi et que surtout je vois de magnifiques choses qu’on ne voit pas de la route !
Franchement jusque là, rien à redire : c’est beau, le chemin est facile, je me régale ! Par contre la suite me fait moins rire. Hier j’avais parlé d’une sorte de voie romaine avec des pierres assez grosses et nombreuses … Et bien là c’est la même mais avec des pierres encore plus grosses ! Le tout sur pas loin de quatre kilomètres à vue de nez sur la carte, trente selon les participants (enfin selon moi quoi). Et ce qui devait arriver arriva :
Hé oui : à force de chercher on trouve ! Là j’ai bien trouvé ! Sur les photos il n’y a pas l’air d’y avoir de difficulté mais il y a de la pente et un virage. En essayant de placer la moto dans le virage, la fourche s’est comprimée puis a violemment rebondi, me faisant perdre le peu de contrôle que j’avais sur Angie. Heureusement il n’y a rien ou presque : je remets le guidon dans l’axe et j’utilise une grosse pierre pour grossièrement détordre le sélecteur.
Mine de rien cela ne donne pas froid et j’en profite pour me poser. C’est à ce moment qu’un randonneur passe et discute avec moi. Il m’explique qu’on ne voit pas souvent du monde sur ce chemin (on se demande pourquoi !). Moi qui pensait me faire embêter parce que j’avais « rien à faire ici blablabla, les motos ça saccage tout blablabla », Je me retrouve finalement à échanger un peu avec ce monsieur qui est un pur produit du coin ! Il est curieux de mon petit voyage mais c’est compliqué pour lui de visualiser le trajet car il n’est jamais vraiment sorti de son coin. Tout juste il est allé aux Vans une fois. Mais la discussion est agréable, il me dit de faire très attention car mine de rien, je viens de tomber et il n’y a absolument pas de réseau téléphonique pour appeler des secours. Avec le ravin sur le côté ça ne prête pas à rigoler, surtout qu’il m’annonce que j’ai encore facilement deux kilomètres de ce traitement en prévision !
Je ne sais pas si on va bien se rendre compte sur la photo de la pente et de la taille des pierres mais voici à quoi ressemblait le chemin sur un total d’environ quatre kilomètres. C’est assez fatigant car on doit absolument rester en contrôle de la machine et de la vitesse. Une sortie du chemin dans le ravin serait une catastrophe. Mais même si je ne suis pas passé loin de m’en coller une de plus je fini par sortir de ce traquenard de compétition. Très franchement je me demande comment font les mecs en enclumes (1250 GS ou super ténéré) pour descendre ou pire, monter cette section !
Y a pas à dire ils ont de l’humour dans le pays !
Une chose m’inquiète : je commence à éprouver des douleurs un peu trop familières au niveau du pouce droit. Pas de panique, ce n’est en aucun cas lié à ma petite cabriole toute à l’heure. Mais je pense que cela s’apparente à une tendinite et ce doit être lié au fait que j’ai été vraiment très crispé sur la descente en plus des efforts de ces derniers jours dans les chemins. Heureusement qu’on trouve toujours un ruisseau pour se raffraichir et mettre la main dans l’eau froide appaise un peu la douleur. Il va falloir changer un peu le « style » de pilotage.
On peut aussi compter sur l’Ardèche pour nous offrir de quoi détendre nos zygomatiques ! Ici une magnifique Citroën AX pickup munie de son système de levage (une chèvre) et de son chargement de gravier. On notera également les suspensions renforcées à l’arrière du véhicule !
Le petit chemin débouche au village de La Souche. Petite dédicace au copain Shart’ qui saura apprécier le geste. Et tu te dis :
« Cool de la vraie route goudronnée, je vais pouvoir me reposer le pouce ! »
Ben oui mais non en fait. On ne reste sur la route que le temps de sortir du village pour repartir dans un chemin très pentu qui n’arrangera rien à mes douleurs. Ce n’est pas très accidenté mais j’ai du mal à décontracter le haut du corps pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être au niveau des deux poignets. Du coup … ben pause.
Effectivement, j’avoue que pour le coup la moyenne kilométrique en prend un petit coup. Mais bon : c’est les va-can-ces ! Donc au final, même si c’est gênant et que ça m’inquiète pour la suite de mon périple, je prends le temps et je savoure d’autant plus le paysage. Comme ici au détour d’un petit pont qui, s’il est assez moche, révèle, pour peu qu’on tourne la tête, un lieu qui doit être super agréable pour un bivouac.
La photo est moche, je vous l’accorde. Mais les petits bassins au premier plan et la cascade et son bassin en arrière plan donnent le ton. Quelque chose me dit que l’été ce doit être pris d’assaut par les locaux qui veulent être au calme et à la fraiche. Je reprends mon ascension sur ce chemin, sec, poussiéreux, avec de la petite caillasse mais surtout qui offre un panorama sur la vallée en contrebas.
A ce moment là, on rejoint la route qui monte au col de la Croix de Millet et on commence une bonne partie de liaison routière entrecoupée de chemins très très roulants (du genre ça passe en clio.) qui m’amèneront jusqu’à l’Argentière qui est un magnifique village ardéchois. J’en profite pour faire le plein car mine de rien je n’avais pas encore fait d’essence depuis que j’ai emprunté le TET vendredi à treize heures et je n’aime pas trop rouler sur la réserve. Comme pour l’Islande, ma consommation a augmenté du fait de faire du tout terrain mais cela reste encore très raisonnable.
Passé Pradons, les affaires reprennent : du chemin bien poussiéreux, plein de caillasses plus ou moins grosses. Pas de doute je suis toujours en Ardèche. Par contre je suis en fusion, j’ai beaucoup trop chaud et je prends un coup de moins bien. Signe qu’il est temps de se trouver un petit coin à l’écart et à l’ombre pour manger une barre de céréale et se réhydrater dans un confort relatif. D’ailleurs l’eau commence à être un sujet de préoccupation car je n’ai pas rempli la bouteille souple (elle se vide dans le sac de selle sinon) et ma poche à eau est quasiment vide. Cet arrêt salvateur est donc aussi l’opportunité de faire un point carte.
Le village un peu grand qui semble le plus prometteur pour refaire le plein d’eau est Lagorce. Une fois reposé, réhydraté je reprends donc ces magnifiques chemins ardéchois qui passent leur temps à monter et descendre dans un joli paysage. On sent bien que le climat tend vers le type méditerranéen : du calcaire, des pins, de la garrigue. Une fois à Lagorce, je vois qu’il s’agit d’une cité médiévale, je vous laisse aller voir la page wikipédia, ça donne envie d’explorer un peu ce village car il recèle bien des trésors d’architecture à priori. Mais ce n’est pas ce qui m’amène ici, et je trouve des jeunes squattant un terrain de sport pour leur demander où je pourrais me procurer de l’eau pas trop loin. Un des jeunes me montrera une fontaine me guidant sur sa supermot 50 à boite, il y allait de bon cœur le salopiaud ! On discute un peu et je reprends le TET.
Attention là c’est du lourd : j’emprunte la voie royale ! Rien que ça oui oui ! Bon sur Osmand ça dit « voie royale » mais sur geoportal c’est plus « chemin de travers ». Normalement une « voie royale » indique que c’est un passage fréquemment emprunté par un monarque… ici j’ai un peu le doute quand même !
Sincèrement je commence à en avoir plein le dos pour rester poli. La journée fût un peu difficile physiquement et la voie royale, si elle n’offre pas un dénivelé de dingue, est tout de même très cassante avec une espèce de rigole en son milieu qui oblige à une certaine vigilance en permanence. Dans l’idéal il faudrait mettre de la vitesse mais j’ai peur de ne pas être à la hauteur et de risquer l’accident. En plus le coté cassant du chemin ne me rassure pas quant à une éventuelle crevaison due à un pincement de la chambre à air. Je surchauffe beaucoup plus qu’Angie qui elle se porte comme un charme. Quelques jolies descentes plus tard et j’arrive à Saint Maurice d’Ibie, très joli village dont j’avais repéré un camping « étoilé » sur l’application Park4Night.
La place du village (dans mon dos) est superbe, arborée elle semble très conviviale. Mais moi là ce que j’ai besoin c’est de me trouver un camping, prendre une douche et me poser. Donc je trace jusqu’au camping « Sous le bois », je pose la meule sur le parking avant d’aller à l’accueil, fracassé et dégoulinant de sueur (oui je sais ça donne envie ). La réponse de la dame n’est pas vraiment ce que j’espérais entendre : les sanitaires sont en travaux, les emplacements pour les tentes ne sont pas encore ouverts. Bim ! j’avoue ça m’a mis une certaine claque : il est 17h ça aurait été parfait pour se poser, là je suis entrain de taper bien comme il faut dans mes réserves physiques (les mauvaises langues diront que ça ne peut pas me faire de mal ).
Je refais un point carte pour voir quelles choix s’offrent à moi. Rapidement deux options se dessinent :
- Option une : revenir en arrière par la route pour ne pas reprendre le chemin de travers et chercher un camping du côté de Lagorce. Psychologiquement je ne sens pas cette option, ça m’embête franchement de revenir sur Lagorce même si j’ai trouvé le village joli.
- Option deux : continuer le TET jusqu’au village de Gras et chercher un camping dans ce coin là. On parle de 13-14 kilomètres dans les chemins en fin de journée avec 430m de D+… Bwa on verra bien !
C’est donc parti pour le plan B (non pas le bar de Grenoble mais l’option deux). Heureusement la montée est bien roulante, ça n’empêche pas de ressentir la fatigue mais s’il y avait eu un pierrier j’aurais sûrement fait demi tour.
La photo pour la famille et les potes : « C’est énorme les gars ! C’est roulant et tout, vous devriez venir ! C’est le panard absolu ! »
Aller, trêve de galéjades : j’avise un premier camping le long du TET après Gras. J’adore le nom, je reviendrais coller des affiches pour les municipales : « Votez Karadoc, le gras c’est la vie ! ». Oui c’est con mais on va pas me demander d’être intelligent à cette heure-ci. Bref j’arrive au camping des lavandes : fermé. Okaaaaay, suivant alors : camping Capfun. Une grosse chaine je pense : avantage il y a l’air d’y avoir une épicerie ça pourrait être le bon plan pour ce soir même si ça fait usine à touriste.
« Bonjour, un emplacement pour une tente, une moto, une personne, une nuit s’il vous plait. »
« On ne prend qu’à partir de deux nuitées. »
J’avoue la tension est montée en flèche d’un seul coup. Je suis ressorti et j’ai avisé un autre camping vers le sud. Ça m’éloigne du tracé mais bon dans cette direction il y a plus de campings, normal c’est la direction de Pont d’Arc. Malheureusement le camping du domaine de Briange est aussi fermé. Je tire donc sur Saint-Remèze, le premier camping qui se présente est celui de la résidence d’été et la patronne est sympa. Elle me rassure en me disant qu’ils font des travaux mais que les emplacements et sanitaires sont ouverts.
Une fois installé je vais me caler une petite bière en terrasse et me renseigne pour savoir s’il y a moyen de trouver un resto ouvert. Oui parce que je n’ai plus de pain et que j’ai une flemme interstellaire… Carrément ! La dame me conseille deux restos différents qui sont ouverts, pas hors de prix et bons. Je crois qu’il est temps d’aller prendre une douche et me mettre sur mon 31 ! (Vous n’êtes pas prêts)
Oui j’ai osé ! Je me suis lancé le défi un peu idiot d’aller dans un restorant avec ma magnifique chemise d’hivernale ! Inimitable ! Le pire c’est que j’ai réussi :
Pour la petite anecdote, j’ai fini par aller en salle parce qu’il faisait froid dehors. Derrière moi il y avait une dame avec ses deux adolescentes qui ont failli ne pas se remettre de la magnificence de ma chemise ! N’empêche que j’ai super bien mangé et que je me suis claqué un pinte, un plat , un dessert pour fêter ma première chute et cette magnifique journée toute droit sortie de l’enfer ardéchois. J’étais à moitié rond je suis rentré.
Aujourd’hui j’ai quand même fait une grosse journée de roulage car je suis parti à 10h et que j’ai planté la tente vers 18h30-19h sans faire de pause pour manger le midi (une erreur qui s’est payée en fin de journée), une chute en roulant (plus une sur un demi tour à l’arrêt : ça compte pas j’ai des petites jambes), j’ai réussi à rejoindre la section 4 du TET pour un total de 158 km parcourus.